lundi 20 février 2012

Ségrégation (03)

En l'absence d'un arsenal juridique comme en régime d'Apartheid, comment penser les politiques de mise à l'écart de certaines populations? Qu'est-ce que la ségrégation urbaine? Comment l'espace de la ville est-il structuré socialement? La division de l'espace épouse-t-elle des catégories bien définies comme les activités professionnelles, les classes sociales, les communautés ethniques, les communautés religieuses, les ressources économiques ou encore les préférences? Et cet isolement spatial, est-il choisi ou subi?

Trois perspectives permettent de penser la ségrégation urbaine :

- On peut chercher à repérer les différences de localisation de groupes définis par certains critères, comme la position sociale ou l'origine ethnique. Cette façon de faire est souvent à l'oeuvre de manière sauvage lorsqu'on qualifie Uccle de "zone de bourges" ou les environs de la Barrière de Saint-Gilles de "quartier portugais".

- On peut mettre l'accent sur les chances d'accès inégales aux biens matériels et symboliques offerts par la ville. C'est ce que propose, entre autre, le film de Pialat, en pointant par exemple l'absence d'infrastructures culturelles en dehors de Paris. C'est alors le lieu et la qualité du logement, les équipements collectifs et les distances imposées entre domicile et lieu de travail qui servent de discriminants pour l'analyse.

- On peut enfin approcher la question de la mise à l'écart spatiale avec les exclusions sociales : c'est la figure de la relégation, qui qualifie toute forme de regroupement spatial associant étroitement des populations défavorisées à des territoires circonscrits. The Wire en explore les logiques et les effets cumulatifs pendant 5 saisons.

La ségrégation peut aussi être envisagée en terme de pratiques et de représentations de l'espace (Cf. Cette enquête concernant les jeunes bruxellois, à découvrir ici).

Mais cette ségrégation, comment se met-elle en place? Dans La Tyrannie des petites décisions, Thomas Schelling distingue 3 processus de ségrégation :

- Un premier processus est celui de l'action organisée, légale, illégale ou tolérée, c'est-à-dire le fait de volontés collectives, qu'il s'agisse de groupes ou d'institutions.

- Un deuxième processus, indépendant cette fois de toute intentionnalité, est un effet des inégalités produites par la différenciation sociale. Processus en grande partie économique, mais aussi de toutes les autres manifestations des écarts de ressources et de positions sociales, de l'instruction à l'habillement, de la restauration au loisir!

- Un dernier processus est le résultat collectif issu de la combinaison de comportements individuels discriminatoires. Encore une fois, l'intention au départ de ces comportements n'est pas forcément une volonté de ségrégation : cela peut être des priorités de voisinages souhaités, des limites dans l'acceptation de certains types de voisinages uniquement.

C'est donc, on s'en doute, toute une combinaison de logiques qui aboutit à la ségrégation urbaine. Et si celle-ci épouse les courbes des prix fonciers et immobiliers, elle les déborde tout à la fois dans ses processus et ses effets.

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