dimanche 19 février 2012

Ségrégation (01)

L'espace se divise. Mais comment? Cette division sociale de l'espace de la ville, on l'appelle généralement ségrégation urbaine. Mais cette notion, on peut elle-même la diviser : il y aurait une séparation physique de groupes humains institutionnalisée et donnée comme principe fondateur de l'organisation sociale, et une séparation non institutionnalisée, plus floue mais pas moins opérante. L'opposition classique entre l'officiel et l'officieux? 


Ces différentes manières de définir la ségrégation urbaine, nous les envisagerons en trois temps : d'abord sous l'angle de la ségrégation raciale légale propre au régime d'apartheid, ensuite sous celui du maintien de la ségrégation sur des bases autres que raciales, enfin sous l'angle des différentes formes et processus de la ségrégation urbaine aujourd'hui. 

La première définition de la notion de ségrégation trouve son accomplissement exemplaire dans le régime d'apartheid d'Afrique du Sud. Si ce régime imposait une stricte séparation juridique hiérarchisée entre Blancs et Noirs, cette séparation était bien entendu marquée spatialement, par toutes sortes de dispositifs, du panneau à la corde.





Symboliques du régime, ces panneaux et cordes dessinent en creux les lois qui leur donnent leur assise. Ainsi, la loi sur la propriété foncière de 1913 impose une répartition du sol particulièrement injuste. Les populations noires, largement majoritaires (70% de la population), se voient cantonnées dans des « réserves indigènes » qui ne forment que 7 % de la superficie du pays. Ailleurs, l'accès à la propriété foncière leur est interdit. L'arsenal juridique organise encore la circulation, instaurant par là l'exclusion politique et économique des Noirs : en 1923, ceux-ci n'ont accès aux villes qu'à condition d'y posséder un emploi.

C'est au cours des années 1950 que le régime d'apartheid se met plus précisément en place et affine la scission entre Blancs et Noirs : quatre groupes raciaux sont distingués (les Blancs, les Coloured People (métis), les indiens et les Noirs qui deviennent des étrangers à l'intérieur de leur propre pays), les unions inter-raciales sont interdites, les lieux publics sont marqués par la ségrégation, des transports aux cimetières, en passant par les écoles et les hôpitaux.

Mais c'est le Group aeras act qui conduit à une ségrégation spatiale implacable en ce qu'il détermine, pour chaque groupe racial, une zone d'habitation. Pour les Noirs sont ainsi créés 10 homelands ("patries") ou bantoustans, régions rurales bien délimitées qui se transforment en "réserves" indigènes prétendument autonomes. Ces Etats n'ont aucune viabilité économique et aucune continuité territoriale. 

A ce dispositif législatif s'ajoute l'apartheid urbain, qui oblige les Noirs à vivre à l'écart des villes, dans des agglomérations de petites habitations, les townships, dont Soweto (acronyme de South West Townships), constitue l'archétypeA 16 ans, tous les Noirs doivent posséder un pass qui détermine où ils peuvent vivre, travailler. La législation réglemente ou interdit en effet les déplacements intérieurs.

Si le régime d'apartheid en Afrique du Sud a pris fin en 1991, un article paru en 2008 relate l'indignation des militants anti-apartheid en visite en Cisjordanie face à la ségrégation militarisée de l'espace urbain. A lire ici (la page propose encore de nombreux liens qui valent le détour!). 


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