dimanche 22 janvier 2012

Cauchemarder la ville

Les mordus de science-fiction le savent : la ville du futur est généralement le visage grimaçant d'un monde infernal. Celle de Metropolis (Fritz Lang, 1927) portait la division du travail (voire celles des classes, en langage marxiste) à son point le plus symbolique : un monde en deux étages, celui souterrain des masses de travailleurs hagards, celui aérien des décideurs éclairés. Ailleurs, les villes sont les représentantes des effets destructeurs des actions humaines (12 Monkeys, Terry Gilliam, 1995) ou extra-terrestres (la ville mouvante et laboratoire de Dark City, Alex Proyas, 1998). 
Même lorsqu'elle n'est qu'un élement secondaire de l'intrigue, la ville joue encore un rôle important d'arrière-plan démoralisant dans Blade Runner (Ridley Scott, 1981), représentant un monde où règnent surpopulation et disparition des espèces naturelles. Celle de Minority Report (Steven Spielberg) se contente d'accentuer les obsessions sécuritaires et l'exhortation constante et personnalisée à la  consommation pour créer un espace au quadrillage sans cesse resserré sur ses habitants, sympathiquement oppressant.  Minority Report actualise en cela la ville figurée dans Total Recall (Paul Verhoeven, 1990) en reprenant trois de ses grands thèmes (surveillance, consommation, quête désespérée d'espace) et en évacuant du cadre les classes laborieuses (la lutte présente dans Total Recall semble annihilée dans Minority Report).

La ville comme la cauchemarde la science-fiction diffère donc selon les époques, poussant à l'extrême les inquiétudes des différents moments de son élaboration. Auparavant création d'un espace entièrement régi par l'industrie et la division de classes (Metropolis), d'un espace raréfié miné par la surpopulation et l'abolition du naturel (Blade Runner), d'un espace contaminé devenu mortel (12 Monkeys), le cauchemar des rêveurs contemporains crée un espace aussi sympathique que terrifiant, sorte de facebook ou de web 2.0 inscrit dans l'espace réel, convivialement anxiogène (Minority Report).

Quelques liens pour penser les nuits agitées ici et .
Une image des espoirs contemporains esquissée ici.

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